• Didier Van der Meeren
    Didier Van der Meeren
    administrateur-délégué du Monde des Possibles
  • Laurence Marichal
    Laurence Marichal
    Sirius Hub
  • David Hainaut
    David Hainaut
    Sirius Hub
Propos recueillis par Aline Kockartz

Le Monde des possible : innover par rapport aux nouvelles technologies

L’association Le Monde des Possibles, fédérée au Centre d’Action Laïque de la Province de Liège, accueille depuis 2001 toute personne migrante et propose un accompagnement, des formations au Français Langue Étrangère (FLE) et aux nouvelles technologies.

Internet permet aux personnes migrantes de garder un lien avec leurs familles et amis restés au pays d’origine. Vu l’évolution de la société, Le Monde des Possibles a mené une réflexion afin d’innover par rapport aux nouvelles technologies avec une visée d’insertion professionnelle. C’est cette impulsion qui a donné lieu au projet Sirius.

L’école de codage Sirius School est soutenue par le Digital Belgium Skills Fund (niveau fédéral) qui subventionne des projets à destination de publics vulnérables et/ou éloignés du marché de l’emploi, visant à acquérir des compétences digitales.

D’une durée de huit mois, la formation Sirius est accessible aux personnes d’origine étrangère ainsi qu’aux jeunes qui souhaitent renforcer leurs compétences digitales. Lancée en 2017, l’école de codage en est à sa troisième édition et a permis la création de la Sirius Coop, qui fonctionne de façon autonome et se construit sur un modèle sociocratique.

Rencontre dans les locaux de Sirius avec Didier Van der Meeren (administrateur au Monde des Possibles), Laurence Marichal (coordinatrice du Sirius Hub) et David Hainaut (chargé de communication du Sirius Hub).


Entretien avec

Didier Van der Meeren

Laurence Marichal

David Hainaut

De l’école de codage à la communauté numérique : le Sirius Hub

Salut & Frater­nité : Qu’est-ce que le projet Sirius et quels sont ses objectifs ?

David Hainaut : À la base, c’est une école de codage où l’on apprend ce langage spéci­fique en trois mois (2017). Depuis l’année passée, cela s’est déve­loppé en une forma­tion plus longue à trois profils-métiers dans le numé­rique : déve­lop­peur web, inté­gra­teur web et graphiste web. L’idée est de répondre à un objec­tif de mise à l’emploi. En effet, ces trois profils-métiers se retrouvent dans n’importe quelle agence web et sont censés travailler ensemble pour réali­ser des sites web. Au-delà de la forma­tion en web (hard skills), on y déve­loppe la colla­bo­ra­tion, on incite les personnes à travailler ensemble, à commu­ni­quer, à se présen­ter et à orga­ni­ser le travail collec­ti­ve­ment (soft skills). Dans le cadre du « mois projet », par exemple, les étudiants travaillent en petits groupes sur des projets concrets et acquièrent vrai­ment une première expé­rience à valo­ri­ser au niveau professionnel.

Laurence Mari­chal : L’aboutissement et le résul­tat de ces huit derniers mois de forma­tion inten­sive ont été présen­tés lors du colloque du 27 novembre à La Cité Miroir. En huit mois, le projet Sirius essaye de donner un socle de compé­tences tech­niques qui permet aux stagiaires de conti­nuer d’avancer et de se former à travers des premières expé­riences profes­sion­nelles au sein de la coopé­ra­tive Sirius Coop, qui consti­tue une dimen­sion entre­pre­neu­riale. L’originalité de Sirius : être une école de codage inté­grée à une dimen­sion profes­sion­na­li­sante, via une entrée en coopé­ra­tive. Il s’agit d’une option propo­sée aux stagiaires et pas d’une obligation.

Le mois projet est donc une étape de mise en situa­tion réelle pour les appre­nants, avec des clients qui ont émis des cahiers des charges précis de besoins1.

La forma­tion au codage de la Sirius School est acces­sible aux personnes d’origine étran­gère ainsi qu’aux jeunes qui souhaitent renfor­cer leurs compé­tences digi­tales. © Le Monde des possibles

S&F : Comment le projet répond-il à la fois aux besoins des personnes migrantes et aux besoins du marché de l’emploi ?

Didier Van der Meeren : Il y a plusieurs études qui démontrent que les personnes migrantes, qui sont une partie du public de Sirius, rencontrent dans leur inser­tion profes­sion­nelle des problèmes spéci­fiques : discri­mi­na­tions à l’embauche, déqua­li­fi­ca­tion (deskilling), ethnos­tra­ti­fi­ca­tion du marché du travail. Cela veut dire qu’à compé­tences égales, une personne qui vient de l’université du Caire, par exemple, ne pourra pas dans notre pays accé­der à une fonc­tion simi­laire à ses compé­tences et son diplôme. Ce sont des réali­tés et le projet Sirius, de par la dimen­sion en écono­mie sociale, va permettre aux personnes de faire face à ces diffi­cul­tés. Ce qui n’empêche pas qu’il faut conti­nuer à lutter pour que ces discri­mi­na­tions struc­tu­relles dispa­raissent dans l’économie de marché. D’ailleurs, l’économie sociale consti­tue un vecteur d’inclusion pour les personnes d’origine étran­gère2.

D.H. : Sirius propose égale­ment l’organisation de rencontres digi­tales qui abordent des ques­tions plus larges que le codage. On essaye d’avoir des théma­tiques de société et de rassem­bler profes­sion­nels, cher­cheurs, grand public et stagiaires, qui sont direc­te­ment impli­qués dans l’organisation de ces évènements.

Concer­nant les besoins des personnes migrantes, en lien avec les besoins des personnes émar­gées du marché de l’emploi, la philo­so­phie commu­nau­taire de la coopé­ra­tive est un apport énorme. Cela permet aux personnes de prendre confiance en elles afin d’amener des idées et parti­ci­per. On observe que cela est béné­fique pour tout type de public.

S&F : Comment la coopé­ra­tive Sirius peut-elle échap­per à une mise en concur­rence effré­née sur le marché de l’emploi ?

D.V.M. : La coopé­ra­tive est soumise à une auto­no­mie de gestion et ne peut être régu­lée au niveau public ; c’est donc une entre­prise. La socio­cra­tie, arri­ver ensemble à vali­der des déci­sions, cela prend du temps car ce n’est pas du temps direc­te­ment dédié à la produc­tion. Il y a une piste d’inclusion sociale en Sirius. Celle d’occuper un marché de niche, par exemple les struc­tures socio-cultu­relles qui n’ont pas encore de sites professionnels.

L. M. : Pour faire face à la concur­rence au sein du marché digi­tal (il y a beau­coup d’agences web à Liège), il faut se poser la ques­tion de la parti­cu­la­rité de Sirius Coop. À partir de l’appel public lancé dans le cadre du mois projet, on peut obser­ver que les asso­cia­tions ou les collec­tifs qui ont postulé partagent la philo­so­phie et les valeurs du projet Sirius. Il y a donc une cohé­rence entre le volet forma­tif, la coopé­ra­tive et les outils propo­sés. C’est pour cela que l’on parle de Sirius en tant que Hub et de commu­nauté numé­rique, car nous souhai­tons que cela soit ouvert à toute personne qui a envie de parti­ci­per, avec ses compé­tences propres, à un projet commun.


  1. Les sites web réali­sés dans le cadre du mois projets sont acces­sibles ici.
  2. Recom­man­da­tion du Conseil écono­mique et social euro­péen, note en 2018.
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