• Georges Liénard
    Georges Liénard
    ancien président du Centre d’Action Laïque

La création du Centre d'Action Laïque ou la reconnaissance des athées

Pour comprendre la moti­va­tion de laïques déci­dés à créer une nouvelle asso­cia­tion de défense et de promo­tion de la laïcité, remon­tons à la signa­ture du Pacte scolaire en 1958. Approuvé par tous les parte­naires de la vie poli­tique belge, il avait comme but de mettre fin à la guerre scolaire qu’entretenait le parti catholique.


Mais il avait profon­dé­ment déçu les milieux laïques en regard des avan­tages octroyés à l’école catho­lique et du désin­té­rêt marqué à l’encontre de l’école publique et des sphères non confes­sion­nelles. Les partis poli­tiques y accep­taient de finan­cer encore plus favo­ra­ble­ment l’école confes­sion­nelle dont l’objectif était d’« éduquer en évan­gé­li­sant ». La contre­par­tie, à savoir l’organisation d’un cours de morale non confes­sion­nelle dans les écoles publiques, parais­sait bien mince compa­rée aux avan­tages consen­tis au milieu catho­lique. Le senti­ment d’abandon et d’être lais­sés pour compte dans une partie de la popu­la­tion se reven­di­quant de la défense de la laïcité était bien réel.

Plusieurs asso­cia­tions étaient déjà actives dans ce créneau, dont certaines depuis le XIXe siècle. Citons entre autres la Ligue de l’enseignement, la Libre pensée et l’Union ratio­na­liste. Toute­fois elles agis­saient chacune dans un domaine parti­cu­lier et sans coor­don­ner leurs actions.

Le 22 mai 1967, l’incendie du grand maga­sin bruxel­lois À l’Innovation agit comme un cata­ly­seur sur les milieux non confes­sion­nels. Plus exac­te­ment, le trai­te­ment réservé aux corps des victimes suscite l’indignation. Les cercueils sont en effet regrou­pés au sein d’une chapelle ardente, faisant fi des convic­tions des athées qui ne se recon­naissent pas dans la croyance catholique.

Dans la foulée, les années 1967 à 1970 sont marquées par des sursauts de personnes, tant en Wallo­nie qu’à Bruxelles, dans le but de s’organiser et de coor­don­ner les actions d’associations pour la promo­tion des idéaux de la laïcité dans la société. La volonté de créer une asso­cia­tion de coor­di­na­tion wallonne qui aide les asso­cia­tions sans se substi­tuer à elles émerge d’ailleurs régu­liè­re­ment des débats. Cepen­dant le domaine d’action n’est pas tran­ché. Trois asso­cia­tions fran­co­phones de coor­di­na­tion voient le jour : la Ligue huma­niste, le Centre d’action laïque puis la Fédé­ra­tion des amis de la morale laïque.

Plusieurs asso­cia­tions étaient déjà actives dans ce créneau, dont certaines depuis le XIXe siècle (…)

Douze asso­cia­tions parti­cipent à la fonda­tion du CAL : La Fonda­tion Magnette Engel Hier­naux, l’association Ernest De Craene, la Ligue de l’Enseignement, l’Union Ratio­na­liste de Belgique, l’Union des Anciens étudiants de l’ULB, la Pensée et les Hommes, la Libre Pensée, la Ligue Huma­niste, la Fonda­tion pour l’Assistance morale aux Déte­nus, la Famille Heureuse, les Amis de la Jeunesse laïque, Pensée et Morale laïques. Afin de défendre et promou­voir la laïcité en Belgique, le CAL est ainsi offi­ciel­le­ment créé le 29 mars 1969.

Son action se placera au niveau des asso­cia­tions : les défendre, les coor­don­ner, en être le porte-parole et les aider dans la mesure de ses moyens.

Par laïcité, il fallait entendre selon les statuts « la volonté de construire une société juste, progres­siste et frater­nelle, assu­rant à chacun la liberté de pensée et de son expres­sion, adop­tant le libre examen comme méthode de pensée et d’action, le tout en dehors de tout dogme et en respec­tant autrui dans ses convic­tions 1 » (article 4).

Des sections régio­nales seront progres­si­ve­ment créées.

Le 22 mai 1967, la catas­trophe natio­nale de l'incendie du maga­sin "À l'Innovation" à Bruxelles, et le carac­tère exclu­si­ve­ment reli­gieux des hommages qui ont suivi, agit comme un cata­ly­seur sur les milieux non confes­sion­nels. La volonté de struc­tu­ra­tion du mouve­ment laïque en Belgique n'en sera que plus forte. – © D.R.

Dès 1969, au cours d’un conseil d’administration (CA) du CAL, les ques­tions suivantes sont exami­nées : conseillers moraux dans les hôpi­taux, orga­ni­sa­tion flamande laïque (le CA « estime qu’il serait utile de susci­ter la forma­tion d’un homo­logue flamand au CAL »), conseillers moraux à l’armée, dans les hôpi­taux, les maisons d’enfants, les homes pour personnes âgées, ainsi que pour les travailleurs étran­gers, les mariages civils, le pacte scolaire. On signale les efforts faits en vue de la créa­tion d’une fédé­ra­tion des amis de la morale laïque.

Le 3 juillet 1969 les statuts du CAL sont publiés au Moni­teur belge et le siège social établi à Char­le­roi. Il sera déplacé par la suite à Bruxelles dans un bâti­ment sur le campus univer­si­taire de l'ULB.

La suite est mieux connue mais, comme on dit, c’est une autre histoire.

(Cet article est basé sur des archives de lettres et dossiers origi­naux dépo­sés au CAL.)


  1. Pol Delfosse (dir.), Diction­naire histo­rique de la laïcité en Belgique, Ed. Luc Pire, p. 50.
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