• Sadia Haoua
    Sadia Haoua
    animatrice à la Maison des Femmes d'ici et d'ailleurs
  • Leslie Laurent
    Leslie Laurent
    animatrice à la Maison des Femmes d'ici et d'ailleurs
Propos recueillis par Audrey Lobert

La Maison des Femmes d’ici et d’ailleurs

La Maison des Femmes d’ici et d’ailleurs est le projet interculturel des Femmes Prévoyantes Socialistes de la Province de Liège (FPS). Il vise l’émancipation des femmes, l’égalité, la laïcité, la mixité et la solidarité.

À la fin des années nonante, les FPS nourrissaient le projet de dispenser des cours laïques d’apprentissage de la langue arabe (celles-ci étant uniquement enseignée dans les mosquées à cette époque) et de remédiation scolaire. De leur côté, les mamans qui attendaient leurs enfants étaient en demande d’un lieu où se retrouver. Les Femmes Prévoyantes Socialistes leur ont donc proposé de suivre des cours d’informatique et de français. Au fils des années, les activités se sont diversifiées.

Si l’idée d’ouvrir un lieu d’accueil est née en 2005, l’actuelle Maison des Femmes d’ici et d’ailleurs a ouvert ses portes en 2007. Depuis, chaque année, près de 80 femmes poussent la porte de la maison.

Aujourd’hui, l’établissement situé dans le quartier du Longdoz à Liège est un endroit chaleureux et convivial ouvert aux femmes de tous horizons. Les animatrices y dispensent des cours d’apprentissage de français / langue étrangère, des cours d’initiation à l’informatique, un atelier de cuisine ainsi que des ateliers artistiques et créatifs à destination des femmes. Certains ateliers sont également ouverts aux hommes.


Entretien avec

Sadia Haoua

Leslie Laurent

Un lieu d’accueil où réapprendre à se saisir de la parole

Salut & Frater­nité : En 2017, des femmes de la Maison des femmes d’ici et d’ailleurs se sont rendues à Thes­sa­lo­nique, en Grèce. Pourquoi ?

Sadia Haoua : Nous avons travaillé les théma­tiques de la soli­da­rité, de la sécu­rité sociale et de la dette. De là, nous nous sommes inter­ro­gées sur les pays euro­péens qui étaient le plus en souf­france. Nous avons appris qu’une maison des femmes avait été créée à Thes­sa­lo­nique, la Women’s Soli­da­rity Venue, avec pour slogan « Aucune femme seule dans la Crise ». Cette maison est fondée sur l’autogestion et la soli­da­rité afin de permettre aux femmes de se soute­nir et de dispo­ser d’un espace collec­tif pour s’exprimer.

Des usagères ont souhaité comprendre la réalité vécue par les femmes grecques qui sont les premières impac­tées par les mesures d’austérité prises ces dernières années. Une dizaine d’entre elles ont orga­nisé des acti­vi­tés afin de collec­ter assez d’argent pour se rendre quatre jours à Thes­sa­lo­nique. Après ce voyage, quelques femmes de la Maison des femmes de Thes­sa­lo­nique sont venues nous rendre visite à Liège. Nous avons réalisé avec l’aide d’Erno le Mentholé, réali­sa­teur, un court métrage sur cet échange inti­tulé Se revoir. Actuel­le­ment, nos maisons de femmes sont toujours en contact.

Les femmes de l’association ont réalisé leur propre expo­si­tion photos présen­tée aux gale­ries des ciné­mas Chur­chill et Le Parc à Liège.

S&F : Vous réali­sez une expo­si­tion photos avec les femmes de l’association, pour­riez-vous nous en parler ?

Leslie Laurent : Nous avons proposé aux femmes inscrites à la Maison des Femmes d’ici et d’ailleurs de visi­ter une expo­si­tion photos. À la suite de cette visite, les femmes ont souhaité réali­ser leur propre expo­si­tion autour de leur parcours migra­toire, au départ d’un objet qui leur était cher et d’une photo qui témoigne de leur passé. Les parti­ci­pantes, issues d’Irak, du Ghana, de Guinée, d’Espagne, de Tuni­sie et même de Belgique se sont livrées les unes aux autres sur leur vie, leur vécu, leur parcours…

Notre parte­naire, le CNCD-11–11-11, nous a mises en contact avec les photo­graphes profes­sion­nelles Sophia Von Fern­bach et Marjo­rie Goffart. Celles-ci ont ensuite suivi ces rencontres et préparé des séances photos des femmes et de leur objet. Les photos ont été sélec­tion­nées en concer­ta­tion avec les femmes de l’atelier, en accord avec leurs envies et dans le respect de leurs limites.

Les photos ont été expo­sées au cinéma Chur­chill et à la Gale­rie Le Parc durant trois semaines. Elles étaient mises en regard de clichés, issus de repor­tages sur les parcours de migra­tions, réali­sés par Valen­tin Bian­chi, Marjo­rie Goffart et Sophia Von Fern­bach. Elles étaient égale­ment accom­pa­gnées de mots, courts textes ou enre­gis­tre­ments sonores qui appuient le message que les femmes souhai­taient faire passer à travers les photos réalisées.

Par la suite, nous dési­rons réali­ser un livret d’accompagnement de cette expo­si­tion qui compi­le­rait les photo­gra­phies et contex­tua­li­se­rait davan­tage les illus­tra­tions. Elle est amenée à circu­ler dans d’autres lieux dans les prochains mois.

S&F : Comment voyez-vous les futurs projets ?

Nous offrons aux femmes inscrites à la Maison des Femmes d’ici et d’ailleurs un espace perma­nent qui leur propose, lors d’ateliers ou lors des moments de pauses, de se rencon­trer, discu­ter, parta­ger leurs expé­riences, leurs diffi­cul­tés et leurs savoir-faire dans une pers­pec­tive collec­tive et soli­daire. Ce lieu leur permet de prendre confiance en elles mais aussi de tisser une rela­tion et des liens entre elles. Nous sommes ouvertes à leurs envies, leurs besoins. Notre équipe est atten­tive aux limites qu’elles fixent et à leur progres­sion. De ce fait, elles osent plus aisé­ment prendre part aux acti­vi­tés propo­sées, qu’il s’agisse de se rendre à une séance de cinéma pendant les heures scolaires où il n’y a pas beau­coup de monde ou de prendre la parole sur scène sous la forme de slam ou théâtre.

L’ensemble des acti­vi­tés que nous propo­sons a pour but de les aider à trou­ver ou à retrou­ver une place au sein de l’espace public. Nous les amenons à se saisir de leur parole et à donner leur avis. Nous les accom­pa­gnons dans cette démarche progres­si­ve­ment en utili­sant des médias diffé­rents : photo­gra­phie, vidéo, expo­si­tion artis­tique, lecture de récit de vie, théâtre, slam… Par exemple, cette année, nous avons travaillé la farce, le grimage dans le cadre de la langue fran­çaise en fête, en parte­na­riat avec Voix de Femmes, avec qui nous colla­bo­rons depuis cinq ans. Les person­nages sont créés et nous souhai­tons réali­ser une pièce de théâtre à partir de ceux-ci.

Un autre atelier sur les produits d’entretien ou cosmé­tiques à réali­ser soi-même devrait voir le jour prochai­ne­ment. Il permet­trait aux femmes de dimi­nuer les coûts de ces produits tout en les sensi­bi­li­sant à l’impact écolo­gique posi­tif de cette démarche.

< Retour au sommaire