• Hervé Persain
    Hervé Persain
    président du Centre d'Action Laïque de la Province de Liège

L’origine des espèces, de Charles Darwin, m’a passionné. Moi qui avais renoncé aux inter­pré­ta­tions construites par les Églises du cours de la vie, je décou­vrais dans ce livre l’argumentaire qui me permet­tait d’opposer le fruit de la raison à l’imagination prolixe de ceux qui souhai­taient prou­ver le pouvoir supé­rieur de la divi­nité qu’ils avaient inven­tée. Et qui, par là-même, justi­fiaient leurs choix basés sur la supé­rio­rité de la race humaine, s’autorisant ainsi à ne privi­lé­gier que la race blanche, créée par Dieu, au détri­ment de toutes les autres, popu­la­tions natu­relles, « sauvages », peuplant les riches terres à conqué­rir pour leurs ressources multiples : épices, ressources natu­relles, pierres et métaux précieux, peuplades infé­rieures promises à l’esclavage.

À travers ses nombreuses obser­va­tions, Darwin a abouti à l’une de ses conclu­sions majeures, qui consti­tue en paral­lèle un prin­cipe fonda­men­tal de la laïcité : la fonc­tion de croi­se­ment, engen­drant des êtres vivants plus vigou­reux, ayant la plus grande chance de survivre et de se perpé­tuer. Que ce soit dans le domaine du vivant ou celui des idées, cette rencontre des diffé­rences donne les plus grandes chances de progres­ser, de s’enrichir mutuel­le­ment, de se dépas­ser, par les gènes et par la pensée.

« (…) chez les animaux comme chez les plantes [je rajou­te­rais et chez les humains], un croi­se­ment entre des varié­tés diffé­rentes ou entre des indi­vi­dus de la même variété, mais d’une autre lignée, rend la posté­rité qui en naît plus vigou­reuse et plus féconde ; (…) d’autre part, les repro­duc­tions entre proches parents dimi­nuent cette vigueur et cette fécondité. »

C’est en quelque sorte ce qui nous guide lorsque, trans­po­sant ce prin­cipe au domaine des idées, nous récla­mons par exemple de ne plus sépa­rer des élèves en fonc­tion des croyances des parents, de multi­plier les occa­sions de croi­ser leurs repré­sen­ta­tions et leurs opinions au sein des classes où ils ne sont pas rassem­blés entre mêmes (selon Richard Dawkins, un même est une Idée, une repré­sen­ta­tion mentale ou un élément cultu­rel qui se propage d’un indi­vidu à l’autre, par imita­tion, dans une même société.

« (…) la gousse fécon­dée par le pollen de l’hybride [mixte descendu de trois espèces distinctes] poussa vigou­reu­se­ment, arriva rapi­de­ment à matu­rité, et produi­sit des graines excel­lentes qui germèrent facilement. »

Belle image s’il en est du béné­fice que l’on peut reti­rer de la confron­ta­tion aux idées diffé­rentes, même oppo­sées, ou de l’accueil de popu­la­tions migrantes aux cultures distinctes des nôtres, pour assu­rer le progrès de nos socié­tés et saisir toutes les chances que nous inspire l’autre.

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