Coronavirus : permettre à tous de se confiner est la seule manière d’en sortir

Alors que les mesures se multi­plient et que chacun se confine derrières ses murs, des citoyens “oubliés” échappent au confi­ne­ment à défaut d’avoir un abri et des moyens de subsis­tance. Les auto­ri­tés doivent mettre en place des solu­tions struc­tu­relles pour proté­ger l’ensemble de la popu­la­tion et enrayer l’épidémie.  

Le confinement n’aura servi à rien si une partie de la population est ignorée

La deuxième semaine de confi­ne­ment se termine. Les yeux rivés sur le frémis­se­ment des chiffres, tous se demandent si les mesures récem­ment mises en place auront un impact suffi­sant. Mais c’est sans comp­ter que certains citoyens ont été “oubliés” par les auto­ri­tés : sans loge­ment ni moyens de subsis­tance, ils ne peuvent pas se confor­mer à cette règle du “restez chez vous”. Or, si des pans entiers de la popu­la­tion sont lais­sés sur le côté, il s’agira d’autant de personnes expo­sées à un risque de conta­mi­na­tion, et sources elles-mêmes de contagion. 

Les oubliés sont nombreux. Parmi la popu­la­tion préca­ri­sée, il s’agit notam­ment des personnes étran­gères sans titre de séjour, qui n’ont pas de couver­ture médi­cale. Certaines d’entre elles sont coin­cées en centres fermés, dans des condi­tions de promis­cuité qui vont à l’encontre des règles sani­taires. D’autres ont récem­ment été libé­rées sans précau­tion quant à ce qu’il advien­drait d’elles. Il s’agit aussi de personnes venues deman­der l’asile et qui, depuis deux semaines, se retrouvent devant la porte close de l’Office des étran­gers. Une grande partie de ces personnes s’ajoute à celles qui vivaient déjà sans-abri, et des solu­tions peinent à se dessiner.

Des mesures structurelles sont nécessaires

Pour l’heure, les appels à l’aide pour des aliments, des savons, des produits de nettoyage se multi­plient. En réponse, de nombreux élans de soli­da­rité se font entendre. S’ils sont louables, ils ne seront pas suffi­sants sans que des mesures soient prises par les auto­ri­tés pour mettre à l’abri l’ensemble des citoyens. Les personnes étran­gères sans titre de séjour, dites “sans-papiers”, repré­sentent près d’un pourcent de la popu­la­tion. En temps normal, ces quelque 100.000 à 150.000 personnes vivent déjà dans une préca­rité criante, sans accès à un emploi déclaré et sans aide sociale, avec pour seul filet de sécu­rité l’aide médi­cale urgente. Or, dans ce contexte de crise, leur dénue­ment se fait encore plus insup­por­table, comme le rappelle la Coor­di­na­tion des sans-papiers de Belgique. La situa­tion est d’une inco­hé­rence inouïe ; les pratiques admi­nis­tra­tives habi­tuelles conti­nuent de s’appliquer, comme si de rien n’était.

Un exemple parlant : les personnes libé­rées de centres fermés reçoivent un ordre de quit­ter le terri­toire dans un délai de 30 jours après avoir été libé­rées, alors que le trafic aérien est au ralenti et que les fron­tières se ferment les unes après les autres.

Les solutions existent

Nous souli­gnons les amélio­ra­tions appor­tées dans l’urgence au dispo­si­tif d’aide médi­cale urgente (simpli­fi­ca­tion de l’activation de l’aide médi­cale urgente et exten­sion de la durée des cartes médi­cales), mais des mesures plus ambi­tieuses doivent être adop­tées notam­ment en matière de séjour.

En regar­dant les pays euro­péens les plus dure­ment touchés par la crise sani­taire, il est clair que des solu­tions créa­tives peuvent être mises en place rapi­de­ment.  La ville italienne de Bologne a montré l’exemple. Elle a dédou­blé ses capa­ci­tés d’hébergement pour les personnes sans abri en mobi­li­sant tous les lieux possibles, notam­ment les écoles fermées. La France a décidé de renou­ve­ler pour trois mois tous les titres de séjour qui arri­vaient prochai­ne­ment à expi­ra­tion. Cela empêche tout contact inutile entre les citoyens et l’administration et évite que certains ne tombent dans une situa­tion d’irrégularité de séjour et que ne s’enclenche une spirale infer­nale : plus de titre de séjour, plus de travail, plus de revenu, plus de loge­ment, plus de mutuelle. Le Portu­gal a quant à lui décidé de régu­la­ri­ser tempo­rai­re­ment les étran­gers qui avaient intro­duit une demande de séjour et qui sont toujours en attente d’une réponse des autorités.

Pour sortir de la crise sanitaire qui paralyse le pays, il faut :

  • Que les personnes sans papiers aient une auto­ri­sa­tion de séjour qui leur permet au mini­mum de rester en Belgique le temps de la crise sanitaire
  • Que ces personnes reçoivent de quoi subve­nir à leurs besoins, se confi­ner et respec­ter les recom­man­da­tions sani­taires de base
  • Que les étran­gers encore déte­nus dans les centres fermés soient libé­rés, qu’ils aient une auto­ri­sa­tion de séjour et qu’ils soient héber­gés dans des struc­tures d’urgence
  • Que les personnes qui cherchent une protec­tion puissent dépo­ser leur demande d’asile et soient hébergées
  • Que tous les titres de séjour qui arrivent à expi­ra­tion soient prolon­gés auto­ma­ti­que­ment pour 3 mois.

Nous avons conscience que de telles mesures demandent de la créa­ti­vité et de l’audace. Il est temps que des solu­tions claires soient mises en place et que les citoyens présents sur notre terri­toire, avec ou sans abri, avec ou sans papiers, soient proté­gés. Il en va de l’intérêt général.

Signataires

  • CIRÉ
  • Coor­di­na­tion des sans-papiers de Belgique
  • Sans Papiers TV
  • Comité des Femmes Sans Papiers
  • Réseau ADES
  • Groupe Montois de Soutien aux Sans-Papiers
  • La Voix des sans-papiers de Liège
  • Comité de Soutien à la Voix des Sans-Papiers de Liège
  • Collec­tif Liégeois de soutien aux Sans-Papiers
  • Liège Ville Hospitalière
  • CRACPE – Collec­tif de Résis­tance Aux Centres Pour Étrangers
  • Collec­tif La Bruyère commune hospitalière
  • Cari­tas Inter­na­tio­nal Belgique
  • AVOCATS​.be – Ordre des Barreaux Fran­co­phones & Germanophone
  • Point d’appui
  • MRAX
  • Ligue des droits humains
  • Maison du Peuple d’Europe
  • Amitié sans fron­tières – Vriend­schap Zonder Grenzen
  • SOS Migrants
  • Convi­vial – Mouve­ment d’Insertion des Réfugiés
  • Le Monde des Possibles ASBL
  • JRS – Jesuit Refu­gee Service Belgium
  • ADDE – Asso­cia­tion pour le Droit Des Étrangers
  • Méde­cins du Monde
  • Service Social Juif
  • SESO – Service social des solidarités
  • MOC – Mouve­ment Ouvrier Chrétien
  • Plate­forme Citoyenne de Soutien aux Réfugiés
  • Amnesty Inter­na­tio­nal,
  • Amnesty Inter­na­tio­nal Belgique francophone
  • CNCD-11.11.11
  • NANSEN
  • Centre d’action inter­cul­tu­relle de la province de Namur
  • L’École des Solidarités
  • UPJB – Union des Progres­sistes Juifs de Belgique
  • Collec­tif Migra­tions Libres
  • CEPAG  – Centre d’Éducation Popu­laire André Genot 
  • FGTB Wallonne
  • FGTB ABVV fédéral
  • CSC ACV
  • ASBL F41
  • Centre des Immi­grés Namur-Luxem­bourg (CINL)
  • La Maison des Migrants
  • Sibylle Gioe (avocate)
  • Pierre Robert (avocat)
  • Netwerk tegen Armoede,
  • Samen­le­ving­sop­bouw,
  • Dokters van de Wereld,
  • Vluch­te­lin­gen­werk Vlaanderen,
  • Cari­tas Inter­na­tio­nal België,
  • 11.11.11.,
  • Plat­form kinde­ren op de vlucht,
  • Gast­vrij Netwerk,
  • ORBIT vzw,
  • Fair­work Belgium,
  • Broe­der­lijk Delen,
  • Bewe​ging​.net,
  • FOS,
  • Liga voor de mensenrechten,
  • Minde­rhe­den­fo­rum,
  • We social movements,
  • Soli­da­gro,
  • Viva Salud vzw,
  • Vrede vzw,
  • Join For Water (Protos vzw),
  • VIA Don Bosco, 

Publié en néer­lan­dais dans Knack ici

Lien vers l'appel sur le site du CIRE

Publié le 30/04/20